On rencontre au Brésil des troupes de chevaux
Et des troupes d'ânes sauvages,
Foulant en liberté les paisibles rivages
Qu'un fleuve gigantesque arrose de ses eaux.
Là vivait un ânon, qui par sa large croupe,
Par sa taille élancée, et par ses pieds mignons.
Se faisait remarquer entre ses compagnons :
Nul n'était si bien fait, nul si grand dans la troupe.
Mère ânesse, qui l'adorait,
Ceci n'est pas chose nouvelle,
Au plus beau des coursiers souvent le comparait ;
Plus d'un âne aussi l'admirait ;
Il n'en fallait pas tarit pour troubler sa cervelle :
La louange étourdit comme un vin capiteux.
De vivre avec les siens notre ânon tout honteux
S'imagine être issu d'une plus noble race.
De chevaux un escadron passé,
L'ânon part, il les joint, avec eux il bondit,
Il ne se sent pas d'aise ; un vieux cheval lui dit :
« Ta sotte vanité, jeune fou, le condamne
A subir un échec à ta gloire fatal :
Tu peux parmi les liens passer pour un cheval,
Mais parmi nous lu n'es qu'un âne. »