La lionne, eut un fils, et cette mère auguste,
Dans son. désir d'en faire un prince bravé et juste,
Songeait à le remettre aux mains d'un gouverneur
Qui, courageux autant qu'habile,
Le guidât dès l'enfance aux sentiers de l'honneur,
Et lui sût de régner montrer l'art dissicile.
Le tigre, l'ours et l'éléphant
S'offrirent les premiers pour élever l'infant ;
Le baudet sur les rangs se mit le quatrième.
Le baudet, direz-vous ? — Oui, le baudet lui-même :
On dit de plus, et je le crois,
Que c'était le plus âpre à soutenir ses droits.
La lionne remit l'examen de l'affaire
Au conseil de régence ; et le simple vulgaire
Crut que tout d'abord du conseil,
Le tigre ou l'éléphant obtiendrait le suffrage,.
L'un et l'autre ayant en partage"
Toutes les qualités qu'on cherche en cas pareil,
Noblesse, activité, sang-froid, force et courage.
De messieurs du conseil pourtant
Tel ne fut pas l'avis : tout mérite éclatant
Aux vieux courtisans porte ombrage.
Les plus dignes ainsi rejetés sans pudeur,
Le baudet, notre ami, sent croître son ardeur,
Il intrigue, il se pousse avec plus d'insistance ;
Mais au premier tour de scrutin,
Par ses amis de cour abandonné soudain,
Il jeta les hauts cris et quitta l'assistance.
L'ours ainsi fut élu d'une commune voix.
Quel fut le motif de ce choix ?
On ne me l'a pas dit, pourtant je le soupçonne :
L'ours était médiocre et n'offusquait personne.