Le Choix singulier Le Marchant de Viéville (17?? - 18??)

Un Roi n'avait qu'un fils, sa plus chère espérance,
(À peine il échappait aux liens de l'enfance,
Il comptait environ sept ans.)
« De mes sujets , dit-il , il faut qu'il soit le père,
Et je veux dans son cœur graver mes sentiments
Et former à plaisir son tendre caractère.
Assez d'hommes pourront lui donner des talents,
Cultiver son esprit ; l'âme est plus nécessaire ! »
Il ordonne aussitôt que de tous ses sujets
Connus par de superbes traits,
On lui rende un compte sévère.
La liste faite, il s'enferme à l'instant ;
Il lit : A la lecture il trouve mille charmes ;
Un des traits fait couler ses larmes,
Ce trait sans doute était frappant.
Il fait venir son auteur estimable
Que l'intrigue jamais n'attira dans sa cour.
« De vos vertus j'ai la preuve palpable,
Dit le Monarque, » à compter de ce jour
Pour former un fils que j'adore,
Je vous nomme son gouverneur.
De la vertu qui vous décore,
Pénétrez-le pour son bonheur :
Formez son âme et pétrissez son cœur.
L'éclat de la vertu doit embellir le trône,
Sans elle , on porte mal le sceptre et la couronne.
Apprenez-lui que l'univers,
Sur la conduite d'un Monarque,
A sans cesse les yeux ouverts :
Répétez-lui souvent qu'au moment où la Parque
Aux autres rois a su le réunir,
Il est à jamais dans l'histoire
Couvert ou d'opprobre ou de gloire
Aux yeux des siècles à venir. »
Sous ce mortel , ornement de la terre,
Son fils devint un Roi très-vertueux :
De son peuple , il combla les vœux,
Et s'en montra toujours le véritable père.

Avant de nous charger du soin de vos enfants,
Ô Rois ! sachez bien qui nous sommes ;
Les dignités, les titres font les grands,
Et la vertu fait les grands hommes.

Livre IV, fable 18




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