Le choix de Minerve Franz Hermann Lafermière (1737 - 1796)

Sur Neptune Pallas venait de l'emporter,
Et le Coursier (que l'homme a depuis su dompter),
N'ayant point eu la préférence
Sur l'arbre de la paix, que d'un coup de sa lance
La Déesse à la terre avait fait enfanter ;
Cette mémorable victoire
Lui valut l'honneur et la gloire
De nommer de son nom les superbes remparts
De cette Athènes si fameuse,
Qui, savante, victorieuse,
Fut le temple à la fois et le berceau des Arts.

Or avant cette époque, on fait que la Déesse
Parmi la volatile espèce,
Ne s'était point encor approprié
D'oiseau qui lui fût dédié,
Comme la Colombe amoureuse
L'était à Vénus, et le Paon

À Junon la majestueuse
Bien des siècles auparavant.
Donc alors Pallas la discrète
Pour son oiseau prit la Chouette.

Le Paon soudain fut dépêché
Pour en apporter la nouvelle
Au petit monstre mal-léché,
Et Renommée, à tire-d'aile,
De voler chez le Peuple oiseau
Semer le bruit du choix nouveau.

La surprise certes fut grande ;
L'on s'arrête, l'on se demande:
Savez-vous, ne savez-vous pas
Le cas nouveau, l'étrange cas ?
Après l'accès de la surprise
Vint l'accès du raisonnement.
On voulut tout savoir ; comment ?
A quelle fin ? et par quelle entremise ?
Et chaque nouveau jugement
Sur le nouvel événement
Est une nouvelle sottise.

Mais le murmure s'empara
Surtout du Peuple mauviette,
Et le moindre oisillon jura
Dès-lors une haine complète
À la Chouette :

Haine qui jusqu'à nos jours
S'est transmise de race en race,
Que rien ne ralentit, n'efface,
Et qui subsistera toujours.

Minerve, en toute cette affaire,
N'avait pourtant songé qu'à plaire
Aux bons Athéniens, ses protégés nouveaux,
Qui dès-lors portaient à la guerre
Des Chouettes pour les signaux.

Fables et contes dédiés a Son Altesse Impériale Monseigneur le Grand Duc, Livre I, Fable XIV




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