Au fils aîné du roi de la gent volatile
Jupin voulait nommer un gouverneur :
Bon nombre de rivaux se disputaient l'honneur
De cet emploi si dissicile.
« Guidé par moi, dit l'aigle audacieux,
Mon fils saura, sous ma tutelle,
Élever son vol jusqu'aux cieux ;
A fixer le soleil je formerai ses yeux. »
« Moi, dit l'autour à la serre cruelle,
De combattre ses ennemis
Je lui montrerai la science :
Et par la force à sa toute-puissance
Il verra ses sujets soumis. »
« Je lui veux, dit le paon, enseigner l'élégance,
Le luxe et la magnificence. »
« J'en ferai, dit l'autruche, un rapide coureur.
« Et moi, dit le gerfaut, un habile chasseur. »
Le rossignol devait lui montrer la musique,
Le hibou la métaphysique,
Un cormoran l'art de pêcher,
Un perroquet la rhétorique ;
Grâce à lui, tour à tour gai, noble et pathétique
Le prince saurait plaire, éblouir et toucher.
« Quant à moi, dit une hirondelle,
A voyager au loin je prétends le former. »
« Moi, dit modestement la tendre tourterelle,
Pour tout talent, je sais, et constante et fidèle,
De mon ami me faire aimer. »
« Viens, dit Jupin ; au nom de la sagesse,
C'est à toi que je dois donner
Le soin de guider la jeunesse
De ce roi que le sort daigne vous destiner.
L'art de se faire aimer est l'art de gouverner. »
ENVOI A MADAME DE POUGENS
Angélique Julie, à la reconnaissance
En te donnant d'imprescriptibles droits,
Ton exquise douceur, ta tendre bienveillance,
Rangent tous les cœurs sous tes lois.
Une irrésistible puissance
Au gré de tes désirs semble nous entraîner :
En te faisant aimer, tu sais nous gouverner.