Le cordon bleu, le rouge, aussi le noir,
Toutes les croix que les mortels honorent,
Tous les signes qui les décorent,
Ensemble raisonnaient ainsi qu'on va le voir.
« Nous annonçons les talents, la naissance,
Se disaient-ils, « et les vaillants exploits ;
Pour annoncer l'aimable bienfaisance
Et les autres vertus, il n'est pas une croix.
Il faut que l'un de nous soit, avec diligence,
Vers le souverain député,
Pour lui prouver qu'il est de sa prudence,
De sa grandeur, de sa bonté,
D'établir une récompense
Pour ceux qui trouveront comme sa Majesté
Dans les vertus leur jouissance. »
Ce qui fut dit fut arrêté.
Mais, comment pérorer en telle circonstance ?
Le cordon noir leva toute dissiculté
Et remplit leur message avec intelligence.
Le Roi trouva le projet beau,
Et l'ordre de la bienfaisance
Fut alors un ordre nouveau ;
Mais il était, comme on le pense,
Difficile d'y parvenir ;
Il fallait que la voix publique
Vous le fît obtenir ;
Aucun mortel n'y fut admis par politique.
On le faisait en vain solliciter :
On subissait un examen sévère,
Rien ne pouvait vous y soustraire,
Pour l'avair il fallait enfin le mériter.
Du mortel qui portait cette marque flatteuse,
On conçoit le degré d'honneur.
Elle annonçait une âme vertueuse,
Elle annonçait un bienfaiteur.
Le public qui nous suit et toujours nous éclaire,
A son aimable aspect
Était saisi du plus profond respect,
Tant la vertu nous plaît et nous est chère.
Les hommes devinrent meilleurs :
Cet ordre vénérable
Fut l'époque admirable
Du rétablissement des mœurs.
Qu'une marque fasse connaître
Ces hommes que le ciel créa si généreux,
Bientôt tous les mortels deviendront vertueux,
Ou chercheront à le paraître.