Un mortel avait deux enfants
Qu'il chérissait comme un bonpère,
Et voulait voir, devenus grands,
Unis d'une amitié sincère.
De son épouse, par bonheur,
Ses deux fils avaient l'avantage
D'être la douce et vive image,
Et d'en avair aussi le cœur.
Tout échappe à la tendre enfance :
Il faut par des raisonnements,
Appuyés d'une expérience,
Frapper son esprit et ses sens.
Pour leur faire aimer la concorde,
Il les appelle tous les deux,
Et s'étant muni d'une corde,
Il en forme un Nœud devant eux.
« Il n'est point d'amitié durable
Sans les efforts les plus constants,
Leur dit-il, o mes chers enfants,
De cet exemple remarquable,
À jamais ressouvenez-vous ! »
Sitôt dans la main innocente
De tous deux, il met les deux bouts
De la corde qui représente
Par son Nœud la tendre amitié.
« Si l'un tire et que l'autre cède,
Ce Nœud sera-t-il bien lié ?
Non : mais voici comme on procède ;
L'effort doit être de moitié.
Allons, tirez en sens contraire :
Courage ! bon ! plus fortement ;
Lâchez... Etvoyez à présent
Si vous pourriez bien le défaire. »
Ils le tentèrent vainement.
« Pour cimenter, leur dit le père,
Cette union qui vous plaît tant,
Cette amitié qui vous est chère,
Ce Nœud vous montre le mystère ;
Que vos efforts, o mes ensans !
Soient réciproques en tous temps,
Et vous saurez toujours vous plaire. »