La Poule et la Dinde J-M Henri Tinténiac (17?? - 1805)

Une poule, voyant la dinde sa voisine
Bien fournie en son poulailler,
Tandis que chez un pauvre, obligé de tailler
Sur tout, et vivant de lésine,
Elle passait sa vie à gueusailler,
Trouvant quelques brins d'herbe à peine sur la rue,
Lorsque l'autre était bien replie,
S'en va trouver la dinde, et dit : ma toute bonne,
Un peu de ton manger me donne,
Peur quo je ne meure de faim.
L'autre, la regardant avec un grand dédain,
Lui jeta tout d'abord ou bec quelques pois chiches ;
Voilà comment donnent les riches !
La poule, qui n'avait aucun respect humain
Mais une faim insatiable,
(Certaines gens voudraient tout le jour être à table !)
A la charge revint; la dinde cette fois
Dit : tu n'auras plus rien, même ce radiants pois.
Que mendier ainsi, c'est d'un genre canaille !
La poule répliqua : comment peux-tu tenir
Tant à cette vaine mangeaille,
Qu'afin de l'engraisser, même de te farcir
On te donne, et de toi faire bonne ripaille ?
Mais, dit la dinde, alors pourquoi
Voudrais-tu donc la manger, toi ?
Car mets-toi bien dans la caboche
Qu'au pot l'on te mettra, si je vais à la broche.
Si le riche ne doit s'attacher aux faux biens
Qu'il possède dans cette vie,
Il ne faut pas non plus que de semblables riens
Soient au pauvre un objet d'envie





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