À minuit par un très-beau songe,
Timon se sentit enchanté ;
Et ce qu'il vit dans le mensonge,
Dépassait la réalité.
Il vit au milieu de sa butte,
Monter un colossal trésor ;
Et dans son rêve il exécute,
Un palais resplendissant d'or.
Quand éveillé souvent sa belle,
Par son dédain le chagrinait;
Il ne ta trouve plus cruelle,
Dans le sommeil qui le flattait.
Il entend que Doris l’embrasse,
Et crie en rêvant le bonheur;
« Ah Doris! tu n’es plus de glace,
Timon est enfin ton vainqueur.»
Son camarade entend qu'il rêve,
Et qu’un vain songe l’éconduit;
Il le secoue et le soulève,

Et fait que le songe s'enfuit.
« Ami, » dit-il, mais tu sommeille,
Vois ! ce n’est qu'un songe imposteur; »
« Mais, mon Dieu donc, qui me réveille ? »
Répond Timon avec aigreur.
« Tu fais que mon rêve s'envole,
Pourquoi me priver du plaisir ?
Si c'est l'erreur qui me console,
Ne m’empêche pas de dormir. »
Amis du vrai par votre zèle,
Vous hâtez trop votre secours ;
Qui dans nos affaires se mêle,
Souvent en arrête le cours.
Dites-nous qui vous autorise,
D’ôter l'erreur de notre cœur ?
N'importe qui nous électrise,
Quand il nous donne le bonheur.
Il combattra la terre entière,
Qui du monde combat l'erreur.
Le plaisir nait d’une chimère ;
Qui souvent flatte notre cœur.
Que dit le guerrier de la guerre ?
Il dit des arts c'est le premier ;
Qu’il garde une idée si chère,
Pour le besoin de son métier.
Demandez ce que pense Adèle ?
Son mari, dit-elle, est constant,
Vous savez qu'il est infidèle,
N’en dites rien, soyez prudent.
Que pense Adonis de Lisette ?
Il pense c'est la chasteté:
Je sais quelle n'est point honnête.
Mais cachons-lui la vérité.
Que pense aussi le philosophe?
Chacun admire mon esprit;
Erreur ; mais admirons sa strophe,
Pour le rendre plus érudit,
Examinez la vie entière,
Quel est le moteur des haute faits ?
Souvent un songe, une chimère,
Qui met le comble à nos souhaits.
N'importe qu’un songe nous trompe,
En remplaçant la vérité ;
Si l'on chassait l'erreur du monde
Que deviendrait l'humanité ?





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