Le peuple ne réfléchit guère,
Toujours de son malheur il accuse ses rois,
Mais , sans en flatter un, je crois
Qu'ils aiment tous le bien , et cherchent à le faire.
Un monarque puissant et surtout vertueux,
A son avènement au trône
Gémissait, non du poids de sa riche couronne,
Mais de trouver son peuple malheureux.
Son aimable délicatesse
Lui faisait désirer de combler son bonheur.
Le mal se fait avec vitesse,
Le bien, hélas ! se fait avec lenteur !
Les abus ont toujours des racines profondes :
Pour les détruire il faut du temps.
Cérès voyait alors profaner ses présents
Par maintes troupes vagabondes :
De souffrir le peuple était las ,
Il murmurait : et l'on faisait paraître
Placards de tous côtés ; on n'y ménageait pas
Un souverain bien fait pour l'être.
Des ordres sont donnés pour découvrir l'auteur ;
On saisit en lui l'afficheur.
D'une troupe dans la misère,
C'était un chef assurément,
Dira-t-on ? nullement ;
Cet homme vivait sans rien faire
Et ne manquait jamais d'argent.
Il avoua qu'il était sans complice,
Que de tous les placards il était l'inventeur.
Un sénat respectable avait de son supplice
Dicté l'arrêt pour son malheur :
Le roi voulut lui-même et le voir et l'entendre..
« Que me reproches-tu, lui dit-il , malheureux !
D'un peuple intéressant pour combler tous les vœux,
En secret je gémis d'attendre,
Mais puis-je, hélas ! faire ce que je veux ? »
Le criminel gardait le plus profond silence:
Il paraissait pénétré de douleur.
« Je fais, lui dit le roi, grâce à ton imprudence :
Sois libre, et désormais rougis de ton erreur. »
En pardonnant le roi montra plus de grandeur ;
Cet acte de clémence
Fit au monarque un grand honneur,
Et produisit bien plus que la vengeance ;
Car le coupable après le porta dans son cœur.
D'une tête exaltée un placard est l'ouvrage :
D'une sédition rarement c'est l'effet ;
Ces écrits ne sont point précurseurs de l'orage,
Ils sont toujours un feu follet.

Du bien de vos sujets occupez-vous sans cesse,
Monarques ! montrez-vous en tout tems leur appui ;
Ne vous alarmez point d'un sujet qui vous blesse,
Titus n'eut pas toutes les voix pour lui.

Livre II, fable 8




Commentaires