Un homme partait en voyage,
Il allait visiter quelques lointains pays ;
Mais à peine il avait les pieds hors du logis,
Qu'un vent précurseur de l'orage
Vient lui donner à réfléchir.
« Si ce vent, se dit-il, promptement ne s'apaise,
« J'en puis être fort mal à l'aise ;
« Mieux vaut peut-être alors différer de partir.
Il y songeait encor que fendant la nuée,
La grêle avec la pluie arrivent par torrent"
Ne laissant qu'un espoir assez peu rassurant,
Tant la nature était fortement remuée.
« Ça, rentrons au plutôt, poursuit le voyageur,
« Sachons attendre un temps meilleur. »
Il avait bien raison, l'atmosphère attiédie
Et la nature reverdie,
Offraient le lendemain, avec un jour plus pur
L'attrait d'un voyage plus sûr.
Après quelque trajet, d'un chemin favorahle,
Se trouve un filet d'eau, sur le roc et le sable,
Offrant dans tous les temps un passage guéable.
Au moment de le traverser
Il en voit les eaux s'amasser,
Et s'étendre au-delà des rives ;
Et bientôt, comme un fleuve aux allures plus vives,
Menacer de tout renverser.
Quelques gens manquant de prudence,
Auraient bien tenté dès l'abord
De s'engager pour tendre à l'autre bord.
Notre homme eut plus de prévoyance,
Il songea que des eaux souvent la violence
Est telle qu'on ne peut en vaincre le courant,
Et qu'on périt dans le torrent ;
Mais que la tempête passée,
La cause de la crue en même temps cessée,
L'onde facilement peut être traversée.
Or donc, en sage, il attendit
Que l'eau fut rentrée en son lit.
Je voudrais bien que semblable sagesse
Servit d'exemple en mainte occasion
Que l'on comprit, que même la faiblesse,
A son heure pour l'action ;
Que l'on gagne à savoir l'attendre,
Qu'on périt lorsqu'à tort on songe à se défendre,
Qu'on ne résiste pas à des vents déchaînés,
Pas plus qu'à des eaux en furie,
Allant semer dans la prairie
Tous les objets qu'elles ont entraînés.
Que faut-il ajouter en cette conjoncture,
C'est que violence et fureur,
N'ont qu'un jour ; et que la nature
N'en peut longtemps supporter la rigueur.
Que doit alors nous conseiller le sage ?
C'est de nous garer du passage.