L'impétueux Torrent que nous peint La Fontaine,
Qui, du sommet des monts, à flots précipités,
Apportait l'épouvante aux champs comme aux cités ;
Ce Torrent, dis-je, après une marche lointaine,
En divisant ses eaux qu'il étendait toujours,
Avait vu décroître son cours.
Alors, devenu moins rapide,
Il se trouve arrêté près d'un vallon charmant,
Où, sur un sable d'or, coulait paisiblement
Une Source vive et limpide.
La Naïade, aux flots argentés,
En arrosant les fleurs, le gazon, la verdure,
Faisait à tous les yeux sourire la nature,
Et rendait ces bords enchantés.
Le Torrent malgré lui sent expirer sa rage
À l'aspect d'un tableau si doux.
Quel chagrin, disait-il, de voir qu'à mon passage
Les humains se dispersent tous !
Nul pas de voyageur empreint sur mon rivage ;
Pour lui ce sol aride est un désert sauvage.
Cependant, quel contraste ! il n'est aucun passant
Que vers ses bords fleuris n'attire cette Source ;
Pour s'y désaltérer il arrête sa course,
Et lui laisse en tribut un cœur reconnaissant. -
La Naïade lui dit : Vous avez la puissance ;
Que vous faut-il de plus, seigneur ?
La puissance, il est vrai, ne fait pas le bonheur.
Voulez-vous en goûter la pure jouissance ?
Hé bien : usez de la douceur,
Plus de débordements ; que vos ondes captives,
Loin de les dévaster fertilisent les champs,
de temps Et je réponds qu'en peu
La verdure et les fleurs embelliront vos rives.