Plus de jour. Le soleil abandonne aux éclairs
Le ciel qui s'abaisse et qui gronde.
Du ciel, brûlant et noir, les feux, la grêle, l'onde,
Frappent les champs, les prés et les ombrages verts.
Partout les ravines hurlantes,
Dans les ruisseaux fangeux, roulant d'impurs bouillons ;
Partout les vents fougueux, dont les noirs tourbillons
Sifflent, en tournoyant, sur les forêts sifflantes.
Mais le ciel s'éclaircit. De ses lueurs brillantes
Il entr'ouvre la nuit qui cachait les sillons.
Et, tandis qu'un jour pur, rallumant ses rayons,
Découvre à nos regards des plaines déchirées
Où le fleuve a rongé l'espoir du moissonneur,
Plus loin, sur ces coteaux, des vapeurs azurées
Avertissent nos yeux que l'humide fraîcheur
Rend aux vignes désaltérées
La séve, et ce nectar qu'une active chaleur
Doit mûrir, à son tour, dans les grappes dorées.
Frappé de ce contraste, un sage agriculteur
Cherchait à s'expliquer si l'ange des tempêtes
Tient le courroux des cieux suspendu sur nos têtes ;
Ou si dans ses bienfaits, le Dieu de l'univers,
Servi par le tonnerre, et la grêle, et les ondes,
Mesure à sa bonté les tempêtes fécondes :
Si des feux de l'orage il épure les airs.
Plus certains de leur fait, dans la forêt prochaine,
De bons pourceaux bien gras, à plat ventre embourbés,
Tranchaient la question, en broyant d'un gros chêne
Les fruits sous la grêle tombés.
Un d'eux, qui du voisin entendit le langage,
S'écria : « Pauvre sot ! si tu veux de l'orage
Voir la cause et l'effet, regarde entre mes dents.
Oui, mon ami, le ciel a créé ce tapage
Pour secouer ce chêne, et nous donner ces glands. »
Entre nous, j'en connais de ces mauvais plaisants,
Couverts de boue ? Oh ! non ; dans un riche équipage
Distribuant la boue à nous autres passants,
Suivis de grands laquais ; et pourtant dont l'idée
Est qu'on n'a vu trente ans d'orage et de combats,
Les trônes dans leur chute entraînant les États,
L'Europe de sang inondée,
Que pour leur donner la glandée.