L'Urne des lois Victorin Fabre (1785 - 1831)

Cematin, quand l'aurore à midi m'éveillait,
Sous mon bonnet de nuit j'ai trouvé ce billet :
« Le Ténare, ce huit décembre.
Arrivé sur ces bords d'où l'on ne revient pas,
J'apprends que les enfers y tiennent leurs états ;
Et cours dans la tribune à la seconde chambre.
« La clôture ! » On procède au scrutin ; et je vois
Des ombres de Solons, par des ombres de lois,
De vingt peuples régir les ombres,
À la pluralité des doigts.
Mais chaque doigt dans l'urne à peine a mis les droits
Et les devoirs des rives sombres,
Droits et devoirs, de l'urne échappent à la fois ;
Et chacun des votants court rattraper sa voix
Qui fuit sur le parquet au gré des vents rapides......
<< Voilà, dit le public, l'image des subsides
Qu'ils nous ont votés l'autre mois !.... »
« Paix, dit l'huissier, paix done ! » Le président : « Je crois
Le vase un peu fêlé : tournez sur ses flancs vides,
Tournez, huissier, l'urne des lois ! »
O méprise !... c'était l'urne des Danaïdes.

J'allais quoique Français, trouvant le cas nouveau,
À la barbe des morts, me permettre d'en rire,
Quand, le vase à la main, un plaisant du bureau,
Me regardant, se prit à dire :
Qu'on l'emporte chez Rondonneau ' !
Je me levai sur l'heure, et je pris mon chapeau. »

Fable 22




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