Un jour, une troupe d'oiseaux,
Divers de race et de plumage,
Sur le bord d'un étang, à l'abri des roseaux,
S'ébattait avec grand ramage.
Il s'agissait de baptiser l'enfant
D'un gros Coucou du voisinage ;
Il avait pour parrain un Moineau fort galant.
On s'attabla, suivant l'usage.
Le repas était des meilleurs ;
Ce furent grains de toute espèce,
Fin gibier pour les amateurs,
Du millet, des fruits, des primeurs,
Et des raisins ! assez pour qu'on en laisse.
Noé, nous dit-on, inventa
Et planta
La vigne J avant d'entrer dans l'arche ;
Mais de ce fruit le jus subtil
Finit par mettre en grand péril
La dignité du patriarche.
Vous comprenez que les petits cerveaux
De nos oiseaux
S'y laissèrent bien vite prendre.
Bientôt ce fut un bruit à ne pouvair s'entendre ;
Vous les eussiez vus babillant
Comme des grives en septembre,
Parlant3 criant, gesticulant,
Et chacun vantant son talent :
On eût pu se croire à la Chambre.
« Moi, disait un Corbeau, je connais les saisons
Mieux que feu Mathieu de la Drôme,
Et sans calcul, algèbre, ni prodrome,
Je sais changer mes garnisons. »
« Je sais bâtir J disait une Hirondelle,
Des maisons qui ne coûtent rien. »
Le Pigeon voyageur, à son pays fidèle,
Élevé par l'État au rang de Citoyen,
Se renflait, comme fait la noblesse nouvelle ;
Sire Épervier, vantard comme tous les chasseurs"
Contait avec orgueil ses hauts faits destructeurs ;
Le Paon montrait sa queue et le Cygne son aile ;
L'Aigle arrivait des cours ; la douce Tourterelle
Vantait son âme tendre et son attachement
Modestement ;
Le Grand-Duc avait sa noblesse ;
Le Rossignol criait : « Je sais vingt chants divers ! »
Le Chapon parlait de sa graisse"
Le Coq" de ses exploits, l'Oison, de sa finesse ;
Nul ne parlait de ses travers.
Un Héron, sur une patte,
Près de l'eau se tenait coi,
Philosophant à part soi
Et riant dans sa cravate.
« Et vous, là-bas, qui restez à l'écart »,
Lui dit un Étourneau bavard,
« Brave homme ! que savez-vous faire ? »
Le Héron répondit : « L'ami, je sais me taire. »