Le Chêne et le Bûcheron Joseph Hüe (1800 - 1836)

Vieillard, au front majestueux
Que couronnent de blancs cheveux,
Tu représentes à mes yeux
L’image elle-même des Dieux.

Un bûcheron abattait un vieux chêne,
L’honneur des forêts en son temps,
Mais depuis flétri par les ans,
Ses pieds vieillis le soutenaient à peine
Et son front s’inclinait. Ses superbes rameaux,
Qu’on voyait autrefois par-delà les coteaux,
De leur vaste et sombre feuillage
Ombrager tout le voisinage,
Desséchés, languissant n’offraient plus aux troupeaux,
Contre les feux du jour, de frais et doux asiles ;
Dès longtemps même les oiseaux
Ne venaient plus chanter sur ses branches stériles ;
Il était vieux, chacun l’abandonnait:
Et noire bûcheron lui-même,
Sans pitié pour son âge extrême,
L’abattait. De ses coups la forêt résonnait ;
Et le malheureux chêne
Pleurant sa gloire éteinte et sa chute prochaine,
En vain au bûcheron disait, pour l’attendrir :
« Que ne me laisses-tu de moi-même mourir ?
Et pourquoi cette insulte, hélas ! à ma faiblesse ?
Regarde, quelques jours encor, quelques instans,
Je tombais sous la faulx du Temps ;
Que ne respectais-tu jusque-là ma vieillesse ?
Jadis, quand de ces lieux je faisais l’ornement,
Devais-je un jour m’attendre à pareil traitement ?
Ingrat, sans respect pour mon âge……»
D’âge que parles-tu, reprit le bûcheron,
Quand désormais lu n’es bon
Qu’à descendre au sombre rivage ?
Dis-moi, que gagnerais-je à te laisser sur pied ?
Eh rien ! ne viens donc plus me parler de pitié. »

L’ingratitude, hélas ! sera toujours de mode ;
Des trois quarts des humains l’intérêt fait le code.

Fables nouvelles en vers, à l'usage de l'enfance, 1837




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