Le temps marche, marche toujours.
Tantôt il porte la besace,
C'est le vieux mendiant qui passe,
II est triste et ses pas sont lourds.
Tantôt c'est l'hiver qui regarde,
À travers les vitraux glacés,
Le feu rouge de la mansarde
Où les bonnes gens sont pressés !
Puis, c'est le printemps qui s'éveille ;
Le jardinet qui reverdit,
C'est le grand lièvre qui bondit
Sur la côte qui s'ensoleille.

Le temps marche, marche toujours,
il est triste et ses pas sont lourds.
Voici la joyeuse alouette
Qui remonte dans le ciel bleu,
En dévidant sa chansonnette,
À l'hiver elle dit adieu.
Le coq célèbre sa victoire
Au milieu de la basse-cour.
S'enivrant d'orgueil et d'amour,
Au loin il annonce sa gloire.

Le temps marche, marche toujours,
il est triste et ses pas sont lourds.
On laboure, on sème et l'on herse,
Le village est plein de chansons ;
Maintenant, qu'il tombe une averse,
Et Dieu bénira les moissons.
Soudain, la guerre se déclare,
Allons ! aux armes, citoyens !
Emboîtez le pas des anciens,
Aux chants vibrants de la fanfare.

Le temps marche, marche toujours,
il est triste et ses pas sont lourds.
Nous avons reconquis l'Alsace,
Les bords du Rhin sont balayés,
Nous avons beaucoup d'alliés ;
Les autres portent la besace.
Le temps marche, marche toujours,
il est triste et ses pas sont lourds.

Livre III, fable 20




Commentaires