L'Amour et le Temps Louis-Philippe de Ségur (1752 - 1830)

Quand le Temps devint vieux ;
Il se vit fort en peine :
Du destin l'ordre rigoureux
Le forçait à marcher, à toute heure, en tous lieux,
Et sans jamais reprendre haleine.
Le pauvre Temps, asthmatique et goutteux,
Se traînait par-tout de son mieux ;
Mais par-tout il avait cette démarche lente,
Insupportable, languissante,
Qu'on lui voit chez les ennuyeux.
L'Amour seul eut pitié de ses peines cruelles ;
A son secours il arriva ;
Il lui fit présent de ses ailes,
Et lui-même les attacha.
Le Temps promit de les lui rendre,
Et les lui rendit trop souvent :
Mais pour ne pas quitter, reprendre
Ses ailes à chaque moment,
Le dieu qui porte barbe grise
S'est mis, comme un nouvel Anchise,
Sur les épaules de l'Amour.
Lorsque le Temps ainsi voyage,
Un siècle passe comme un jour ;
Mais quand l'Amour un instant s'en dégage,
Un jour est un siècle à son tour.





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