Minerve avait fâché l'Amour ;
Et l'enfant, qui garde rancune,
A cette déesse importune
Résolut de jouer un tour.
Il poursuit sa fière ennemie ;
La guette, la trouve endormie,
L'enchaîne avec des nœuds de fleurs,
Dérange sa chaste parure,
Et, lui dénouant sa ceinture
Teinte de diverses couleurs,
En bacchante il la déshabille ;
De roses prend un gros bouquet,
Et traite en enfant indiscret
De Jupin la superbe fille.
Minerve s'éveille et rougit.
Elle veut, grondeuse et rétive,
S'insurger ; mais elle est captive.
Elle menace, l'enfant rit.
- Te faut-il les armes d'Hercule
Pour me châtier à ton tour ?
Minerve se sent ridicule,
Elle compose avec l'Amour.
On convient qu'elle lui pardonne
De tout voir et de tout oser,
Et que le dieu malin lui donne
Sa liberté pour un baiser.
L'excès en tout, c'est la démence :
Entre deux maux s'il faut choisir,
Balançons notre préférence.
Le vrai sage use de prudence
Et de vertu fait abstinence,
Lorsqu'il se donne du plaisir.