Le berger ravisseur d'Hélène,
Parjure à l'hospitalité,
Traînait sur sa barque troyenne
Cette belle infidélité ;
Lorsqu'enchaînant les vents complices :
- Tu mènes sous d'affreux auspices
Cette femme dans ta maison,
Dit en grondant le vieux Nérée ;
Bientôt la Grèce conjurée
Ira t'en demander raison.
C'est ainsi que le bon Horace,
Du beau Pâris un peu jaloux,
Raconte à peu près la menace
Du ciel et des mers en courroux.
Mais qu'importe le ciel qui tonne ?
L'amour, qui de rien ne s'étonne,
Jouit du sort même irrité.
Il s'exalte dans la tempête ;
Que le ciel croule sur sa tête,
Il marche avec tranquillité.
- Veux-tu reculer ? dit Hélène,
Veux-tu me rendre à Ménélas ?
Des dieux armés crains-tu la haine ?
De notre bonheur es-tu las ?
Mais Pâris, se rapprochant d'elle :
- Rameurs, voyez comme elle est belle !
Luttons pour conquérir le port !
Trompons le sommeil de Neptune.
A vous ma vie et ma fortune,
A moi ma déesse ou la mort !
Alors la belle aventurière
Relève son front exalté :
Le danger bravé la rend fière,
Elle force l'impunité !
La femme veut toujours qu'on ose :
De son amour l'orgueil dispose,
Les audacieux sont ses rois.
Hélène n'est plus infidèle,
Et Pâris peut être aimé d'elle,
Puisqu'il fut sublime une fois.
Plus tard quand ce prince idolâtre,
Efféminé par le plaisir,
Aura, sur un sanglant théâtre,
Fini son indigne loisir ;
Quand sa chevelure adultère
Dans le sang et dans la poussière
Traînera pour venger Hector,
Ménélas, orné par la gloire
Et transformé par la victoire,
Pourra se faire aimer encor.
Ainsi la vie est une guerre ;
La timidité, c'est la mort,
Et la femme, comme la terre,
Accepte la loi du plus fort.
C'est le succès qui nous couronne,
Et jamais le temps ne nous donne
Le loisir de nous reposer.
La gloire, c'est une autre Hélène ;
La fortune est femme, elle est reine :
Pour les séduire, il faut oser !