Un certain rat fort gros, mais fort gros pour un rat,
Se crut un éléphant, dit la vieille chronique ;
Il ne craignait ni chien ni chat.
Voilà ma bestiole aussitôt qui s'applique
A se grandir le nez : trompe lui fait défaut,
C'est une trompe qu'il lui faut ;
Rien ne peut-il manger qu'avec trompe il ne prenne.
En attendant que trompe vienne,
Mon rat jeûne à plaisir et fait tant, qu'à la fin
Il se dessèche et meurt de faim.

Que ce soit tromperie ou trompe,
Il en est plus d'un qui se trompe
En agissant toujours, n'importe dans quel cas,
En raison des vertus ou des dons qu'il n'a pas.
L'imagination, cette divine fée,
Veut être gouvernée au frein de la raison,
Autrement la sagesse est par elle étouffée,
C'est la folle de la maison.

Les mensonges, les injustices
De notre volonté limitent le pouvair,
Et bien souvent nos plus grands vices
Sont les fausses vertus que nous croyons avoir.

Livre VI, fable 6




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