« Venez à moi, sage Hippocrate.
J'attends de vous mon réconfort.
Mais que dis-je ? En vain je me flatte ;
Et tout votre savoir n'y peut rien. Je suis mort.
Voyez cet embonpoint énorme, déplorable.
Cela croit tous les jours. Il me presse ; il m'accable.
Je n'en puis plus ; j'étouffe. Hélas ! je fus gourmand :
Mais pour quelques perdrix quel étrange supplice !
Ordonnez ce qu'il faut ; ordonnez promptement. —
Il faut peu de perdrix et beaucoup d'exercice. —
Mais je ne puis marcher. — Marcher ? Il faut courir !
Et sans retard, et longtemps ou périr.
Adieu. J'ai tout dit ; je vous laisse.
Domptez, domptez cette paresse.
Deux mots sans plus : veuillez guérir. —
Que je coure ! dit l'autre. Eh ! Jupiter nous aide !
Mais puisqu'il faut mourir, soit, mourons du remède. »
Debout le voilà donc. Pour lui pénible effort.
Il en fait un plus grand : il court, dix pas en somme.
Mais c'étaient les premiers ; le lendemain, plus fort ;
Il en fait jusqu'à vingt. Bientôt c'est un autre homme,
D'un poids inique soulagé,
D'embonpoint qui se peut appeler raisonnable.
Le jarret est dispos, le souffle dégagé.
Courir déjà lui semble un passe-temps aimable.
Bref entre les meilleurs enfin il excella.
Et puis vint la fête olympique :
Parmi les coureurs le voilà.
Il eut le premier prix. Hippocrate était là.
Son malade accourut, ceint du laurier civique.
« C'est à toi qu'il est dû, mortel chéri des Dieux.
O Grecs, j'en couronne à vos yeux
L'auteur de ma victoire.
Par les délices énervé
Je mourais : il m'a conservé
Pour le bonheur et pour la gloire.
Mon cœur de ce bienfait gardera la mémoire ;
Sur le marbre il sera gravé. »