Hélas ! que je suis malheureux !
Favorisé des dons de la fortune,
Comblé d'honneurs, tout m'importune.
J'ai perdu la santé, ce bien si précieux !
Je meurs, je souffre le martyre !
Accablé sous le poids de mon infirmité,
Ah ! de grand cœur, si j'avais un empire,
Je l'offrirais pour un peu de santé.
C'est ainsi qu'un riche malade
Se traînant à la promenade,
D'un ton plaintif, exhalait son chagrin,
Et de ses maux accusait le destin.
Un pauvre homme entendit toute la doléance :
Quoi ! le bonheur, dit-il, n'est donc qu'en apparence !
Cet homme est riche et n'a point de santé ;
Moi, je me porte bien, et dans ma pauvreté,
Je suis content, je supporte mes peines :
Les biens et les grandeurs font naître le souci ;
Nouveaux besoins, nouvelles chaînes :
Je désirais de l'or ; mais je vois, dieu merci,
Que le riche n'est pas le plus heureux des hommes ;
Autant vaut-il, hélas ! rester ce que nous sommes ; ·
Le riche serait trop heureux,
S'il n'éprouvait les maux de la nature humaine.
Et du pauvre, à son tour, le sort serait affreux,
Si pour alléger sa peine
`Il n'eût souvent reçu de l'Eternel
La joie et la santé, ce présent paternel.

Livre II, Fable 2




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