Un paysan sa terre labourait
Avec courage avec adresse :
Sans trop le fatiguer, le travail l'amusait :
Content de son sort, il chantait ;
Le chant est né de l'allégresse.
Un homme riche, ennuyé des plaisirs,
Promenant sa triste existence,
Rassasié de l'abondance,
Pour le bonheur formant de vains désirs,
Mais sans jamais pouvair l'atteindre,
Disait : hélas ! je suis à plaindre !
Tout me déplaît : les grands biens, la santé,
Seraient insuffisants pour la félicité ?
Ce laboureur, parcourant sa carrière,
Forcé de travailler, habite une chaumière ;
Et cependant, il chante, il est joyeux :
Malgré sa peine, il serait donc heureux ?
Mon ami, lui dit - il, donne-moi ta recette :
De ton bonheur tu me vois envieux :
Une gaîté douce et parfaite,
Pauvre, sans être malheureux !
- Malheureux ! non, je vous assure ;
Je suis les lois de la nature
Et je ne forme aucun désir
Que je ne pourrais satisfaire.
Pour l'homme, le travail est toujours nécessaire :
Le mien me plaît ; je m'en fais un plaisir ;
Je suis content ; je ne regrette
Que le tems qui s'enfuit. Vous voulez ma recette ?
Elle est simple : dès aujourd'hui
Sachez vous occuper, vous préviendrez l'ennui.