Le noir époux de Cyprine,
A Lemnos forgeait-un jour
De Mars l'armure divine,
Et les traits légers de l'Amour.
Les cyclopes, noircis, sur l'enclume pesante
Portent avec effort la masse étincelante,
La forgent à grand bruit : les rapides marteaux
S'élevant, retombant en mouvements égaux
Sous leurs coups redoublés, du grand dieu de la Thrace,
Contournent le haubert et l'épaisse cuirasse.
Après avoir mis en faisceaux
Du dieu guerrier les pesants javelots,
Mes enfants, dit Vulcain, ne perdons pas courage,
Pour le fils de Vénus mettons-nous à l'ouvrage :
Alors, avec ardeur, on fourbit, on polit
Les armes du petit,
Et de sagettes d'or un carquois se remplit....
Mais voilà que dans la boutique
Arrive tout-à-coup l'une.et l'autre pratique ;
Mars, d'un air ironique et d'un œil dédaigneux,
Contemple le carquois du plus jeune des dieux :
« À quoi bon ces armes fragiles j
Vulcain, et vous Brontès, Stéropes, Pyracmon ?
Est-ce donc pour forger les jouets inutiles
De Cupidon
Que les enfants du ciel et de la -terre
Abandonnent le soin de forger le tonnerre ?
Neptune, de.vos mains, réclame son trident :
Pluton, son,ca5que$ et pour ce faible enfant,
Vous,les faites attendre, et pouvez vous résoudre
A braver Jupiter qui demande son foudre..
- Eh bien donc, dit l'Amour, Jupiter attendra
Que mon carquois soit plein, il est fait pour cela.
Et toi qui viens ici braver en ma présence
Mes redoutables traits, connais en la puissance.
Du plus faible de tous, tiens, sens la pesanteur, »
Il dit ; et du dieu Mars un trait perce le cœur.
Le dieu guerrier soupire,
Et reconnait l'empire
De son jeune vainqueur.
Ne jugeons pas sur l'apparence,
Car tel que l'on méprise est plus fort qu'on ne pense.