Le Peuple dupé (Le Lion amoureux) Eugène Desmares (1806 - 1839)

Ô vous, vous de qui les hauts faits
Servent aux héros de modèle,
Et qui déployez tant de zèle
Pour faire aux TROIS JOURS leur procès,
Puissiez-vous d'un air favorable
Accueillir ici cette fable,
Et voir, sans vous épouvanter,
Un peuple hier si redoutable
Que la Doctrine sut dompter !
JUSTE-MILIEU, sans discuter,
Me paraît un étrange maître !
Heureux qui ne peut le connaître
Que par récit, lui ni ses coups !
Quand on en parle devant vous
Si la vérité vous offense,
Il la faut pourtant bien souffrir :
Et, j'en prends ici l'assurance,
Ce peuple ! je vais vous l'offrir
Par zèle et par reconnaissance.
Au temps de nos trois jours chéris
Le peuple voulait être admis
Au gouvernement de la France.
Pourquoi non, puisque cette engeance
Valait toute autre en ce temps-là,
Ayant courage, intelligence,
Et bonne poigne outre cela.
Voici comment il en alla.

Après la fameuse ordonnance,
Le peuple, par Charle éclairé,
Trouva le royaume à son gré
Et voulait la toute-puissance.
La Doctrine aurait désiré
Quelque prince un peu moins terrible.
L'accepter lui semblait bien dur,
Le refuser n'était pas sûr ;
Même un refus eût fait, possible,
Qu'on eût vu quelque beau matin
La couronne au front d'un vilain.
Car, pourbien me faire comprendre,
Le trône est fait pour les gens fiers,
Et la Couronne, en temps divers,
Aimeceux qui savent la prendre.
Or la Doctrine ouvertement
N'osant renvoyer le manant,
Lui dit : la tâche est délicate ;
La France, exposée aux regards,
Doit à l'Europe des égards.
Permettez donc qu'un diplomate
Arrange tout ; et puis après
Pour vous les honneurs seront prêts :
Le travail en sera moins rude,
Le plaisir plus délicieux ;
La France n'en ira que mieux,
Libre de toute inquiétude.
Lepeuple consent à cela :
Tant il s'était aveuglé l'âme !
Pieds et poings liés le voilà,
Timide et doux comme une femme.
Onlâcha sur lui quelques chiens :
Il fit fort peu de résistance.

JUSTE- MILIEU ! quand tu nous tiens
On peut bien dire : adieu, la France !