Les deux Peintures Alexis Rousset (1799 - 1885)

Un roi, se trouvant chez un peintre,
Choisit parmi trente tableaux
Un des plus grands et des plus beaux,
Et désira le voir reproduire en plein cintre :
C'était pour l'un de ses palais.
Les rois se gênent- ils jamais,
Lorsqu'ils ont quelque chose en tète ?
Celui-ci, sans façon, présenta sa requête.
En vain on lui fit observer
Que la voûte était trop petite,
Pour que l'artiste pût trouver
Quelques chances de réussite
À traiter un sujet justement admiré,
Mais où d'heureux détails rehaussaient le mérite.
Efforts perdus ! Bon gré, mal gré,
Le peintre s'armant de courage
Rassembla ses pinceaux et se mit à l'ouvrage,
Tout en maudissant son destin.
Il cherche, il dessine, il s'arrête...
Corrige, cherche encor, médite... de sa tête
Une autre œuvre s'échappe enfin.
Le sujet demeurait le même ;
Mais le reste en tout point changé
S'était, par un effort suprême,
Tout comme à plaisir arrangé.
Qui fut content ? ce fut le peintre :
Grâce aux heureux effets d'un travail obstiné,
Un chef-d'œuvre existait à ce plafond en cintre,
Qui d'abord l'avait tant gêné ;
Et le roi qu'on manda, vit un progrès énorme
Du premier ouvrage au second.
Mais le travail est si fécond !

La dissiculté de la forme
Ne peut que profiter au fond.

Livre I, fable 15




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