Il est de lointaines contrées
Par les hommes presque ignorées,
Où vivent sous de sages lois
Et le sceptre d'excellents rois
Des animaux de toute espèce.
L'industrie avec la sagesse,
L'esprit, le plaisir, la gaîté,
Dus aux bons traitements, dus à la liberté,
Font de ces beaux pays comme de meilleurs mondes :
Douceur et liberté, vous êtes si fécondes !
Une exposition se fit
Chez ces animaux. On y vit
Une ruche et du miel, offerts par une abeille,
Produits justement admirés.
En un cocon, autre merveille,
Se trouvaient des fils d'or artistement ouvrés.
Noble élève de la nature,
Un castor d'Amérique eut hâte d'apporter
Une maison en miniature
Qu'on s'empressa de visiter,
Et que chacun trouva fort belle.
On y reçut encor, fait par une hirondelle,
Un de ces nids que les Chinois
Servent sur la table des rois.
La perle la plus blanche y fut aussi portée ;
C'était l'œuvre d'une huître, et de là je conclus
Que l'huître a plus d'esprit et qu'elle en sait bien plus
Qu'elle n'est chez nous réputée
En savoir. Mais, chez nous, on est assez enclin
A tout juger sur l'apparence.
En mille objets, se remarquaient enfin
Beauté, richesse, industrie, élégance.
Vint bientôt, escorté de nombreux favoris,
Le lion. Il leur fit galamment la prière
De dire tout haut leur avis,
Et chacun se donna carrière.
Certain perroquet, beau parleur,
Trouva le tout bien pitoyable.
- Quoi ! du miel ! goûtons-y... ça ne vaut pas le diable...
Oh ! que ce vers à soie est un pauvre fileur !
Faire un cocon ; le beau mystère !...
Comment, une maison ! une maison de terre !
Pour fenêtre des trous ! quelques bâtons pour toit !
Le misérable ouvrage ! A coup sûr on en voit
Chez les humains d'une autre sorte.
On eût dû consigner cet ouvrage à la porte...
Un vilain nid chinois ! Ah ! Dieu, quelle pitié !
Je plains l'étranger convié
Ase nourrir de cette drogue,
S'il est vrai toutefois qu'en Chine elle ait la vogue...
Une perle !... elle est fausse. - Enfin, il ricanait
Sur tout, et la foule y prenait
Un extrême plaisir ; car la foule est rieuse,
Et même quelquefois, le dirai -je, envieuse.
Le lion s'écria : - Critique-t-on ainsi,
Sans avoir le moindre souci
Des longues veilles de l'artiste ?
Tout ouvrage, même avorté,
Est remarquable encor par quelque bon côté.
J'augure mal d'un pessimiste.
Hé quoi ! réduire au désespoir
Le pauvre artiste qu'on accable !
Ah ! de grâce, faites-nous voir
Une critique plus aimable.
La foule d'applaudir (c'est un roi qui parlait).
Puis on siffla le sot qui toujours persifflait.
-Ah ! quel affreux travers que l'amour de médire ! -
Même un renard s'écria : - Sire,
Critiquer sans mesure est chose assurément
Funeste quelquefois et toujours inutile ;
Mais louer agréablement
Et ne blâmer que finement,
Est un art bien plus dissicile.
Critiquer est d'un sot que le mal réjouit ;
Apprécier exige infiniment d'esprit.