Par une chaleur accablante,
Un jeune villageois, ses sabots à la main,
Vers le milieu du jour, suivait le grand chemin ;
La sueur ruisselait sur sa tête brûlante.
S'appuyant un moment sur le mur d'un verger,
Dont l'ombre en cet endroit pouvait le protéger,
Il dévorait des yeux les présents de Pomone,
Que déjà coloraient les premiers jours d'automne.
Le maître du verger, devinant son désir :
« Quelques fruits, lui dit-il, te feraient grand plaisir ?
Cueilles-en, mon garçon, puisqu'ils te font envie,
Autant que dans ta poche il en pourra tenir,
Et de faire un heureux j'aurai l'âme ravie. »
À notre jeune villageois
Il ne fut pas besoin de le dire deux fois,
Mettant de côté toute honte,
Sur le plus beau pommier en un moment il monte,
Bientôt sa poche a peine à contenir
Quatorze pommes entassées,
Et pourtant avec art placées ;
Pour en ajouter une il fait un vain effort,
Et dès qu'elle entre, une autre sort.
Il recommence, échoue, et recommence encore.
Folie humaine, ah ! te voilà,
Et je te reconnais bien là.
Pour appaiser la soif qui le dévore
Un seul fruit suffirait ; loin de se réjouir,
Maintenant qu'il en a quinze fois davantage,
Il perd en vains efforts des moments, qu'à jouir
Il emploierait, s'il était sage.