Le Villageois et le Champ Antoine Le Bailly (1756 - 1832)

Au décès de son père, un rustre eut en partage
Un Champ assez borné, mais d'excellent rapport.
A peine le père est-il mort,
Que le fils empressé va voir son héritage.
-Oh ! par ma foi, dit alors ce nigaud,
Le vieillard n'était guère habile
De n'avoir pas porté ses récoltes plus haut ;
Car, Dieu merci, le terrain est fertile.
Chaque année, au lieu d'une fois,
Que ne l'ensemençait-il trois ?
Il eût par ce moyen triplé son bénéfice.
Le bon- homme n'est plus : que le ciel le bénisse !
Moi, je veux exploiter ce champ à ma façon.
Et, dans cette folle pensée,
Sans consulter si la saison
Est tardive ou bien avancée,
Il fouille son terrain de l'un à l'autre bout,
En change la face partout,
Le séme, le resème, et le lasse, et l'épuise,
Tant qu'il ne rapporta plus rien.
Le maître désolé n'en tira, pour tout bien,
Qu'une preuve de sa sottise.

Cette fable renferme une utile leçon :
Lorsque l'esprit humain est encor dans l'enfance,
Y versez-vous trop de semence,
Vous en étouffez la moisson.

Livre VIII, fable 9




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