On se souvient encor de la lutte mortelle
De l'aigle impérial avec le léopard ;
Quadrupèdes, oiseaux, venus de toute part,
Divisés en deux camps, soutenaient leur querelle.
Un étalon, pur sang, qui, depuis peu de mois,
Avait quitté la prairie et sa mère,
A je ne sais plus quelle affaire,
Allait au feu pour la première fois.
Notre coursier, peu fait aux horreurs de la guerre,
Dans les premiers instants d'une chaude action,
Éprouvait quelque émotion,
Que sa voix trahissait, malgré son attitude.
Un ours, à ses côtés, vieux grognard, grand sabreur,
Qui, dans tous les pays, suivant son empereur,
Avec lui des combats avait pris l'habitude,
Relève sa moustache, et d'un accent moqueur :
« Mon beau voisin, dit-il, avez-vous peur ?
- Et oui, morbleu, j'ai peur, » dit l'autre tout de suite,
Et, si vous ressentiez la moitié seulement
De ma frayeur, en ce moment,
Depuis longtemps vous auriez pris la fuite. »
Je comprends ainsi la valeur.
Ce danger m'intimide, et pourtant je l'affronte ;
L'instinct s'émeut, mais l'âme le surmonte ;
J'aime la vie et je crains la douleur,
Mais je crains beaucoup plus la honte.
Le vrai courage est basé sur l'honneur.