Le Mulet et le Cheval Édouard Parthon de Von (1788 - 1877)

L'entêtement et l'obstination
De messieurs les mulets sont, dit-on, le partage.
L'un d'eux, fort jeune encor, pour son instruction,
Faisait en Espagne un voyage :
« Je vais, se disait-il, trouver en ce pays,
Comme partout ailleurs, force donneurs d'avis ;
Mais ils perdront leur temps, car je ne suis pas bête,
Et je n'en ferai qu'à ma tête. »

Le voyageur, alors, suivait un frais sentier,
Trottant ou galopant, selon sa fantaisie ;
Là, par hasard, paissait un vieux coursier,
Noble enfant de l'Andalousie :
« Croyez-moi, mon cher fils, retournez sur vos pas,
Lui dit-il, écoutez le conseil salutaire
D'un vieil ami de votre père.
Vous voyez bien ce défilé là-bas,
Des légions de loups l'ont choisi pour repaire ;
Si vous y pénétrez, vous n'en sortirez pas. »
- Vieillard, je suis fort peu crédule,
Répondit le mulet, et j'aime le danger.
Croyez-vous que des loups la crainte ridicule
Me fasse fuir ? jamais je ne recule ;
Moi, pour des loups me déranger !
La vieillesse, d'ailleurs, est timide et craintive,
Elle s'alarme à tort.
Adieu, quoi qu'il arrive,
A changer de chemin rien ne peut m'engager. »

L'imprudent, en effet, malgré cet avis sage,
Du défilé, bientôt, eut franchi le passage ;
Mais il n'en sortit pas. Le cheval andalous
L'avait bien dit : il fut dévoré par les loups.
Profitons des conseils que l'amitié nous donne.
Écouter tout le monde est, j'en tombe d'accord,
Un grand défaut ; mais n'écouter personne
Est bien plus dangereux encor.

Livre IV, fable 15




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