Messire le renard fit un jour le projet
De s'égayer aux dépens du mulet.
« Je voudrais, lui dit-il d'un ton de bonhomie,
Connaître avec détails ta généalogie.
J'en suis sûr, tes nobles aïeux
Par des faits éclatants, des exploits glorieux,
Dans les temps anciens ont illustré leur vie. »
Le prudent animal du piège se douta.
« Je m'occupe fort peu de semblable matière,
Reprit-il ; mais voici ce que ma bonne mère
Dans mon enfance me conta.
Mon oncle, fier coursier, plein d'une ardeur guerrière,
En exposant ses jours, maintes fois mérita
Le prix de la valeur : souvent dans la carrière
On le vit se couvrir d'une noble poussière.
C'est tout ce que je sais. » Le mulet évita,
Par ce détour adroit, de parler de son père,
L'obscur baudet : habile à la fois et sincère,
Il sut, sans altérer en rien la vérité,
Mettre à couvert sa vanité,
Et de son malin adversaire
Déjouer la méchanceté.