Le Cheval et l'Âne Jean-François Guichard (1731 - 1811)

Au sortir de son ratelier
Un superbe cheval vit un âne, quel âne !
Maigre à tel point qu'il semblait diaphane.
Pauvre grison ! s'écria le coursier :
Hélas ! quelle étrange figure !
La maladie, ou le chagrin
T'aurait-il dégraissé ? réponds-moi. - Non, la faim,
Les fardeaux que je porte, et les maux que j'endure,
C'est là ce qui me rend comme tu vois : quel sort !
Que la misère est accablante !
Puisse bientôt m'en délivrer la mort !
- Allons, faut-il ainsi que l'on s'impatiente ?
Répliqua le cheval. Sois plus sage, l'ami :
Quand on ne peut changer sa destinée,
On doit la supporter d'un courage affermi,
Ta race, j'en conviens, n'est guère fortunée ;
Mais combien d'animaux encor plus malheureux !
Songes-y : qu'as-tu fait, toi, pour l'être moins qu'eux ?

Le riche sur ce ton à son aise raisonne ;
L'indigent veut qu'on l'aide, et non qu'on le sermonne.

Livre I, fable 15




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