Le Chien de berger et le Loup Jean-François Guichard (1731 - 1811)

Us loup glouton faisait ravage
Dans les bois, dans les parcs, dans les plaines, partout.
Le dréle avait un appétit de loup.
Dans une forét sombre il tenait son ménage,
Et des larcins du soir il dinait tous les jours.
Le berger vainement le poursuivait toujours ;
Pour l’attraper, son chien, selon l’histoire
En perdait le manger, Je boire.
Et agile voleur, de leurs tours se jouant,
Escroquait brebis en passant.
Traversant le bois, sur la brune,
Rustaut, par un coup de fortune,
Nez a nez trouva l’ennemi
A son petit repas : Gens qui sont sur leur terre
Par moi sont respectés ; ensemble donc, ici,
Raisonnons un moment, et suspendons la guerre.
Le loup répond : Je le veux bien:
Que vas-tu me chanter ? Ecoute, dit le chien :
La faim, besoin commun, plus ou moins nous emporte ;
Eu bonne foi, pourtant, animal de ta sorte
Peut-il, sans de honte en mourir,
Aborder seulement les moutons, faible race,
Quand un butin plus noble à lui se vient offrir ?
Parlez-moi des lions, des tigres, des ours, passe :
Mais moutons, encore une fois,
Qu'est-ce que c'est ? Je le demande.
- Ce sont moutons, dont la chair est friande,
Dont dire chien lècherait bien ses doigts,
Repartit notre loup : proie ou forte ou chétive,
Il convient, en un mot, il convient qu'un loup vive.
Allez, vous, du troupeau bêlant
Le protecteur rare, éloquent,
Étaler votre rhétorique
À votre maître, leur bourreau ;
Tâchez de le fléchir, vous êtes pathétique ;
Et moi, j'achèverai, s'il vous plaît, ce morceau.
Je sais ce qu'un loup fait, sans être fort habile ;
Le calcul est clair, avéré
Il mange une brebis contre un homme dix mille :
Et faux ami nuit plus qu'ennemi déclaré.

Livre I, fable 16




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