Le Chien danois et le Chien de berger Jean-François Haumont (17** - 18**)

Un chien Danois, d'une belle apparence,
Au regard fier de l'importance,
Rencontra près d'un verger,
Coridon, chien de berger.
Serviteur, mon cher camarade,
Dit Coridon au chien Danois.
Plaît-il ? vous plaisantez, je crois,
Ou bien vous avez bu rasade,
Répondit le Danois : votre ton familier
Me paraît un peu singulier :
Apprenez que je suis de la plus noble race ;
Qu'un mâtin comme vous a bien mauvaise grâce
De manquer de respect à quelqu'un tel que moi.
– Pardon, monsieur, j'ignorais, par ma foi,
Vos titres et votre noblesse ;
Que vous étiez d'une autre espèce ;
Un grand Danois de qualité ;
Je croyais, entre nous, parfaite égalité
Sur le rang et sur la naissance :
J'ai tort ; mais dites-moi quelle est la différence ?
Dussiez-vous cent fois vous fâcher,
Je ne saurais m'empêcher
De vous dire ce que je pense.
Quoi ! vous montrez les dents ?
Un peu de patience !
Je vous accorde la beauté ;
Mais quant à l'utilité,
L'esprit et l'intelligence,
Par-tout j'aurai la préférence.
Je gardé mes moutons avec fidélité :
Au moindre mot, au moindre geste,
Je cours, je vole, je suis leste ;
On rend justice à ma capacité :
Mais vous, avec l'air d'arrogance,
Que savez-vous ? faire bombance,
Précéder le char des traitants
Pour renverser tous les passants ;
Un tel emploi n'est qu'un vil esclavage.
Le collier que je vois n'en est-il pas le gage ?
Réprimez, croyez-moi, vos discours insolents :
Je suis né votre égal, et plus, par mes talents.
—Cette comparaison, et m'indigne, et m'outrage :
Faquin ! si j'écoutais un trop juste courroux….
— Vous vous fâchez toujours : mon ami, estimez-vous.
Voilà de l'orgueilleux le ton et le langage :
Aveugle par la passion,
Il s'arme de l'injure, au défaut de raison.

Livre I, Fable 4


Cette fable fut composée plusieurs années avant la révolution.

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