Parmi les divers animaux,
Le Chien, je l'avouerai, fut toujours mon héros ;
Oui, mon héros ; et certe il en vaut bien un autre.
Pour la bonté, le zèle, et la fidélité,
Trop souvent son espèce a fait honte à la nôtre ;
Mais le Chien de ma fable en doit être excepté.
Quel fut son père ? un loup, sans doute ; il faut le croire.
Qu'on en juge, voici l'histoire.
Guillot se reposait du soin de son troupeau
Sur la foi de Rustan qui faisait sentinelle ;
Et ce Rustan, chien infidéle,
Qui logeait un loup dans sa peau,
Sous les apparences du zéle
Faisait sauter le pas à maint et maint agneau.
Le Berger trouve enfin du mécompte à leur nombre.
Il veut dès le jour même épier son voleur,
Et, près d'un bois, au fort de la chaleur,
Guillot feint de dormir à l'ombre.
C'est alors qu'à loisir il voit son Chien glouton
Dans l'épaisseur du bois entraînant un mouton.
Il accourt, mais trop tard pour sauver la victime.
Indigné, furieux, et levant son bâton,
Il est prêt à punir le crime,
Quand l'odieux brigand lui demande pardon :
-Moi ! disait-il, valet d'un si bon maître,
Je périrais de votre main !
Ah ! pour le loup réservez cette fin ;
Il est féroce. -Il n'est pas traître,
Répond Guillot en l'assommant ;
Et ce fut là son digne châtiment.
Qu'un ennemi s'annonce avec la haine ouverte,
On peut le fuir ou le braver ;
Mais quel rempart peut-on trouver
Contre un perfide ami dont la fraude est couverte ?