Homère et le Chien du berger Éliphas Lévi (1810 - 1875)

Le vieux Mélésigène un jour errait sans guide,
En tâtonnant la route, il marchait tristement,
Quand d'un chien le long hurlement
A frappé son oreille avide.
Il espère des dieux quelque secours nouveau,
Et ses pieds heurtent un tombeau.
Là se plaignait le chien couché sur une pierre,
Redemandant au ciel, par ses cris superflus,
Son maître, un vieux berger, qui ne l'entendait plus.
Homère comprend tout : son obscure paupière
N'ayant plus de regard, avait encor des pleurs.
Il veut de l'animal apaiser les douleurs,
Il lui présente un pain, sa ressource dernière.
Il veut l'arracher de ces lieux :
- Viens, j'ai besoin de toi, viens me sauver la vie !
Eliphas Lévi – Fables et Symboles
Viens, tu vois qu'à mes yeux la lumière est ravie :
Tu m'es envoyé par les dieux.
Pauvre chien, ne meurs pas en gardant de la cendre :
Ton maître ne peut plus t'entendre.
Mais le chien, malgré ce discours,
S'attachait à la pierre et gémissait toujours.
Il refusa le pain, l'amitié du grand homme.
Nous pouvons oublier l'amour et les bienfaits,
Mais seul le chien ne ment jamais
A sa fidélité qu'à bon droit on renomme.
Sur la tombe du vieux berger
Il mourut sans se déranger.

Sans doute il aurait pu mieux faire :
Il pouvait assister, aimer le grand Homère ;
Mais plus d'un ami tendre, et qui n'est pas un chien,
N'eût pas compris le mieux et n'eût pas fait si bien.

Livre III, fable 7




Commentaires