Un vieux renard ayant usé
Les ficelles de l'existence,
Ayant perdu sa queue, ayant un pied brisé,
Ayant tout souffert, tout osé,
Sans ressource et sans espérance,
Se mourrait pauvre et méprisé.
Près de son terrier solitaire
Passe un chien qui ne tarde guère
A découvrir ce malheureux,
Et qui, d'un museau dédaigneux,
Le flaire et s'en va sans rien dire.
- Quoi, murmure le pauvre sire,
Ce chien stupide, ce valet,
Tout esclave et tout sot qu'il est,
Vit peut-être dans l'abondance,
Et moi, dans le bon temps passé,
Pour exister, j'ai dépensé
Plus d'esprit et d'intelligence
Qu'il n'en faudrait pour être roi.
A lui pourtant la vie ! A moi
Son mépris et son insolence.
Sans se gêner, pour tout avoir,
Qu'a-t-il fait ? – J'ai fait mon devoir,
Dit le chien ; j'ai ce qu'on me donne,
Et n'ai jamais volé personne.
Si tu fus un maître fripon,
Le temps te donne une leçon,
Tu n'es plus qu'un sale et dégoûtante bête ;
Et s'il faut tout dire en un mot,
Celui-là toujours est un sot
Qui n'a pas l'esprit d'être honnête.