L'Incrédule et le Chien Éliphas Lévi (1810 - 1875)

Ayant perdu son maître, un pauvre chien fidèle
De douleur se laissait mourir.
On le caresse en vain, vainement on l'appelle,
Vainement on veut le nourrir.
Dans la chambre où mourut l'ami qu'il aime encore,
Depuis le soir jusqu'à l'aurore,
Depuis le matin jusqu'au soir,
Il reste avec son désespoir.
Un voisin prend pitié de la bête expirante
Et lui dit : - Pauvre chien, tes cris sont superflus.
Ton maître maintenant n'est plus,
Ce n'est plus même une ombre errante.
Son âme était un souffle, il s'est évaporé
Et ne doit plus être pleuré.
Aimer ce qui n'est pas, c'est perdre sa constance.
- Ah ! répond le chien, lorsqu'on pense,
On devient donc stupide ainsi ?
Pour moi, je ne veux pas de vos raisons, merci !
Mon maître est loin de moi, mais il vit, car je l'aime.
Il est plus vivant que moi-même ;
Car j'expire pour lui ! Ne me dites plus rien.
L'amitié ne meurt pas, en mourant je le prouve,
Vous avez de l'esprit peut-être, mais je trouve
Votre cœur plus bête qu'un chien.

Livre V, fable 5


Symbole : Croire sérieusement à l’indestructibilité de tout ce qui est bien, de tout ce qui est vrai, de tout ce qui est beau, de tout ce qui est pur.

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