Le Chien revenant de la guerre Antoine Le Bailly (1756 - 1832)

Capitaine Mouflar revenait des combats,
Clopin clopant, l'oreille en bas,
Et traînant l'une de ses pattes ;
Au demeurant, capitaine Mouflar
S'était battu comme un autre César.
Il s'acheminait donc vers ses tristes pénates,
Lorsqu'une bande de roquets,
Tous gens sans aveu ni courage,
Vient se camper sur son passage,
Et déjà lui fait son procès.
-Moi, dit l'un qui s'estime un adroit politique,
J'aurais à votre place usé d'une rubrique. ―
Moi, j'aurais fait ceci. —Moi, j'aurais fait cela. —
Il n'est esprit si mince, en ces rencontres-là,
Qui ne jase et ne s'émancipe.
Or chacun de nos chiens, Démosthène nouveau,
Semble se déchaîner contre un autre Philippe,
Et prétend de sa robe emporter un morceau.
Messieurs, leur dit Mouflar, je vous crois tous habiles,
Et de plus des pieds très agiles ;
Que n'êtes-vous donc accourus
Pendant le choc de la bataille ?
Quel motifvous a retenus ?
Taisez-vous, et fuyez, misérable canaille !
Allez près de Guillot briguer l'emploi si doux
De garder ses moutons non moins lâches que vous !

Ravir ou décerner la palme du mérite
Sur la foi des événements,
C'est l'usage de bien des gens,
Et c'est aussi pour eux que ma fable est écrite.

Livre II, fable 4




Commentaires