Les Tourterelles et le nid de Fleurs Éliphas Lévi (1810 - 1875)

Lorsqu'un taureau divin déguisant Jupiter
Ravit Europe sur la mer,
La nymphe sur les flots qui longtemps la bercèrent
Laissa tomber, dit-on, sa corbeille de fleurs,
Et deux tourtereaux qui passèrent
Voyant du nid flottant les brillantes couleurs,
Se dirent l'un à l'autre : Ami, que vous en semble ?
Si nous allions dormir ensemble
Sur ce lit par les eaux mollement caressé,
Que pour nous les dieux ont placé
Loin des vautours et du rivage ?
Sur cette île qui marche embarquons nos plaisirs,
Laissons-nous au gré des zéphirs
Emporter comme le nuage ;
Si notre vaisseau fait naufrage
Qui peut nous alarmer ? N'avons-nous pas toujours
Des ailes comme les Amours ?
Et voilà sur le nid nos oiseaux qui palpitent.
Leurs becs entrelacés, leurs ailes qui s'agitent,
Semblent charmer les flots, font frissonner les fleurs.
Mais voici tout à coup l'orage qui s'élève,
Ils veulent s'envoler, ils sont loin de la grève,
Ils tombent et Thétis les baigne de ses pleurs.

Quand le ciel nous sourit, quand la mer est sans ride,
Craignons le doux zéphir aux conseils séducteurs ;
Et même sur un nid de fleurs,
Ne nous embarquons pas sans boussole et sans guide.

Livre V, fable 4


Symbole : Ne jamais se livrer tout entier au plaisir. Le plaisir est fait pour nous, mais nous ne sommes pas faits pour lui.

Commentaires