Sœurs jumelles,
Deux blondes Tourterelles
S’aimaient de tendre amour comme les deux pigeons
Dont La Fontaine en sa fable charmante
Nous a conté histoire si touchante.
Leurs jours coulaient heureux au bocages profonds ;
La, sous les verts palmiers point de souci funeste!
Mais bon souper, mais bon gite et le reste!
Lune d'elles vit par malheur
Passer au sein des airs le pigeon voyageur.
Un méme désir de voyage
S'empara soudain de son ceeur;
Elle voulut partir pour de lointains parages,
Sourde aux prières de sa sœur.
— « Notre verte oasis, nos plus riants bocages
Ne suffisent donc plus, ingrate, a ton bonheur,
Lui dit sa compagne anxieuse.
Je pars pour revenir, » reprit la voyageuse ;
Avant bien peu je serai de retour. »
— Je tremble qu'une fois partie,
Eprise d'un autre séjour,
Ma sœur au loin ne reste et ne m’oublie.
- Rassure toi! l'absence aiguillonne l'amour ;
On s‘aime au retour davantage ;
Crois-moi! j'apporterai de mon pèlerinage
Ma sœur, baisers plus doux et cœur plus tendre encor ;
Pour hâter mon retour, je hâte mon essor.
Elle dit et loin des palmistes
S'envole, en laissant les adieux du départ,
Pour l'ami qui demeure adieux toujours plus tristes,
Hélas! que pour l'ami qui part.
Tout en effet fut pour la Tourterelle
En son voyage objet d’ample distraction ;
Faut-il le dire ? Tout pour elle
Fut d'oubliance aussi trop prompte occasion.
Une fois cependant à la pauvre jumelle
Elle fit par une hirondelle
Porter un lointain souvenir !
Ce fût le seul ; toute au plaisir,
Elle oublia bientôt l'oasis, le bocage
Et sa sœur.

En s'éloignant des yeux on s'éloigne du cœur ;
Heureux qui ne fait pas l’épreuve de l'adage!

Livre VIII, fable 1


Orangerie de Mimouch, 2 août 1854.

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