Les Tourterelles et la Martre Emile Erckmann (1822 - 1899)

Nos amours seront éternelles,
Roucoulaient, en se becquetant,
Deux gracieuses tourterelles,
Se poursuivant et voletant
Dans la ramure d'un grand chêne,
Si haut qu'on les voyait à peine.
C'était à l'heure où vient la nuit,
Quand l'angelus, au crépuscule,
Bourdonne et doucement module
Ses adieux au jour qui s'enfuit.
Puis, tout se tut, et le silence
S'étendit sur la plaine immense.
Le couple amoureux s'abattit
Tout frémissant près de son nid,
Côte à côte sur une branche
Où miroitait la lune blanche,
Et là, paisible il s'endormit :
En rêve il s'adorait encore.
Mais, aux premiers feux de l'aurore,
Une martre, grimpant près d'eux,
Dévora le couple amoureux.
Des plumes volaient à la brise,
De sang la coquine était grise !
Elle alla dormir dans son trou,
A l'heure où chante le coucou,
Célébrant la belle nature.
Après le crime, l'imposture.
Ainsi les rusés et les forts
Souvent ensanglantent le monde ;
La vie en douleurs est féconde,
Ne plaignons pas les morts.

Livre III, fable 4




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