Le doux sénat des Tourterelles,
Lassé des ennemis qui ravageaient l'État,
Avait élu pour potentat
Un Milan. Moyennant trois victimes nouvelles,
Chaque jour, le monarque assurait le repos
Des citoyennes de Paphos.
Le sacrifice était, il est vrai, bien pénible ;
Pourtant, la nation paisible,
Comme son souverain, y trouvait son profil :
Tourterelle pouvait, dans une paix profonde,
Songer à ses amours, faire et couver son nid ;
Et Milan, sans courir le monde,
Avait de quoi lasser son appétit.
À la fin, notre république
Vint à se fatiguer de son gouverne ment.
Tout peuple, d'ordinaire, aime le changement ;
Le mien aussi voulut changer de politique,
Et déposséda le Milan,
Trouvant l'impôt exorbitant.
On convint d'appeler sur le trône, à sa place,
Un prince qui fût moins vorace :
Le seigneur Épervier eut les voix, au mépris
De quelques vieilles raisonneuses,
Que l'on traita de radoteuses.
Mon parvenu jura bien qu'à ce prix
Nos Colombes seraient heureuses :
Propos de cour. L'objet d'un si funeste choix
Désabusa bientôt la folle multitude ;
Et grâce à lui, l'empire, au bout de peu de mois,
N'était plus qu'une solitude.
Peuples inconstants et légers,
Vous le voyez, on perd souvent au change :
Moutons, puisque toujours il faudra qu'on vous mange,
Restez en paix sous vos bergers.