Le Milan et l'Épervier Jean-Pons-Guillaume Viennet (1777 - 1868)

Un milan fanfaron, les lâches le sont tous,
Raillait un épervier sur sa taille exiguë.
« Ta race, disait-il, fut assez mal pourvue,
Et des milans tu dois être jaloux.
Vois, mon envergure est pareille
A celle du griffon, de l'aigle, du vautour,
Et tu n'es pas plus gros qu'une corneille,
Ou qu'un pigeon de basse- cour. »
A ces mots il étend ses ailes,
Plane sur l'épervier, voltige tout autour,
Pousse un vol au hasard, et se vante, au retour,
D'avoir fait fuir deux tourterelles.

« C'est bien, dit l'épervier, qui le raille à son tour ;
C'est bien ; tu prendras ma défense.
Je suis heureux d'avoir un compagnon
De noble race et de belle apparence ;
Car j'aperçois là-haut un terrible faucon,
Qui sur nous à plein vol se dirige et s'avance. »
Cet avis a fermé le bec du fanfaron.
Mais l'épervier sait bien qu'il ne faut pas l'attendre :
Attaqué le premier, il songe à se défendre,
Il combat corps à corps, presse son ennemi,
Le force à la retraite, et cherche, après l'affaire,
Ce qu'est devenu son compère.
Hélas ! depuis longtemps le bravache est parti,
Disant qu'en ce débat il n'avait rien à faire.

La force, le bel air sont des dons précieux ;
Mais le courage est encor mieux,
Surtout dans un jour de bataille.
Ne prenons pas toujours
Les héros à la taille,
Et moins à leurs discours.

Livre II, Fable 5




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