Un jour certain milan, intrépide voleur,
Poursuivait des pigeons timides ;
Tous échappaient a ses serres avides,
Soit par adresse ou par bonheur.
Tourmente' cependant d'une faim dévorante,
Et déchirant sa proie absente :
Quoi ! disait-il, ces insolents
Ne veulent pas se laisser prendre !
Faire un tel affront aux milans !
D'une telle canaille aurais-je pu l'attendre ?
Après ces mots, parle Styx il jura
(Car il savait un peu la fable)
Le punir un forfait semblable,
Lorsque l'occasion soudain se présenta.
Une colombe jeune et belle
Vint se percher sur un arbre voisin ;
Doucement il l'aborde, et d'un air patelin :
Ne fuyez pas ; ne craignez rien.
J'étais jadis un méchant, un vaurien ;
Mais depuis que je vous ai vue,
Je suis craintif comme un jeune mouton ;
Ici même je crois vous avoir entendue ;
C'était vous, je le sens à mon émotion :
Quelle touchante expression !
Pourquoi plutôt ne vous ai-je connue ?..
Oui, votre doux roucoulement
À quelque chose qui m'enchante :
La voix du rossignol n'est pas si ravissante ;
Nul oiseau comme vous ne chante tendrement ;
Et quand je vois ce beau plumage,
D'azur, de pourpre éblouissant,
Puis-je vous refuser l'hommage
Que tout le peuple ailé vous rend ?
Alors, de plus près s'approchant :
Si j'osais, poursuit-il, en dire davantage !
Mais je n'en ai pas le courage ;
L'amour m'a rendu si tremblant !
Un tel discours plu fort à la pauvrette,
Car elle était femelle et même un peu coquette ;
Son imprudence aussi lui coûta cher,
Car le milan fondant sur elle,
La déchira de sa serre cruelle,
Et l'alla dévorer dans l'air.
Jeunes et gentilles fillettes,
Quand un godelureau vous contera fleurettes,
Croyez-moi, méfiez-vous en ;
Maigre son air timide et ses phrases discrètes,
Il ne vaut pas mieux qu'un milan.