Deux grands chiens de faïence à la pose héroïque,
Aux gros yeux relevés d'un gros bleu métallique,
De grifses et de dents bien pourvus sans danger,
Surmontant gravement deux colonnes jumelles,
Etaient placés en sentinelles
À la porte d'un potager.
L'un dit à l'autre : - Va, je brave ta colère.
Tu ne sais pas vraiment ce que je puis te faire ;
Si tu l'oses, viens m'attaquer !
L'autre lui répondait : - Je dédaigne ta rage !
C'est à moi de te provoquer,
Viens donc me prouver ton courage !
Avance, je t'étrangle au premier mouvement.
Tu n'as qu'à bouger seulement.
Puis, chacun s'adjugea la palme en cette affaire,
Car malgré leurs terribles dents,
Chacun de nos deux impotents
Était sûr de son adversaire.
Ainsi parlant toujours d'armes et de combats,
Deux lâches, pour briller en public, se provoquent ;
Mais du bon public ils se moquent :
Ils savent bien tous deux qu'ils ne se battront pas.