Le Triomphe de la Persévérance L-S du Ruisseau (16?? - 17?)

Un Héros de l'Antiquité,
Mais un Héros du premier ordre ,
Voulant corriger le désordre
Que des Peuples fourmis à fon autorité
Causaient par leur férocité,
Aussi bien dans la politique ,
Comme dans la chaleur des plus sanglants combats,
Fit un jour, au milieu d'une place publique.
Amener deux chevaux, l'un maigre et l'autre gras,
Le premier en maigreur n'avait pas son semblable
De sa queue on voyait le quart du crin ôté,
L'autre, au contraire, avait une queue admirable,
Soit en épaisseur ou beauté.
Au signal qui fut fait, un faible et petit homme
Saisit la queue à ce dernier ;
Et dans le même instant, un grand et puissant homme.
En fit tout de même au premier.
Celui-ci se flattait de pouvoir par sa force
En arracher les crins tout à la fois ;
Mais pendant qu'à cela vainement il s'efforce
L'autre au puissant Cheval en tirait deux ou trois,
Ce qu'ayant fait à plusieurs fois ,
La queue en fut en peu tout à nud découverte.
Vous voyez, dit pour lors ce sage et grand héros ,
Vous voyez, mes amis , qu'il est plus à propos
D'envisager de près l'occasion offerte,
Que de suivre l'ardeur d'un premier mouvement.
Mais vous voyez aussi que la Persévérance,
En beaucoup plus d'une occurrence,
Nous sert bien plus utilement,
Que la force et l'emportement.

Livre II, fable 14




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