La Sarigue, son petit et le Chasseur Louis-Maximilien Duru (1804 - 1869)

Les Chasseurs n’ont pas l’âme tendre.
Malheur à l’habitant, ou des airs, ou des bois
Qui par eux s’est laissé surprendre !
Chez les morts il lui faut descendre,
Et les vivants nomment cela leurs droits.
Droits qu’ils ont pris sur toute la nature,
Ou que le Ciel leur a donnés jadis
Pour leurs besoins, pour leurs ennuis,

N’importe. Un jour l’un d’eux par aventure
Vit un imprudent Sarigueau
Qui prenait ses ébats au bord d’un clair ruisseau ;
Et le voilà qui s’arme et couche en joue
Cet imprudent qui ne voit pas
Que, pendant qu’il s’éloigne, et folâtre, et se joue
Parmi les fleurs, sur lui plane le noir trépas.
Il est atteint ; mais l’arme meurtrière
N’a fait que l’effleurer. Boiteux, glacé de peur,
Bien vite, il court chercher, dans le sein de sa mère,
Contre la mort, un abri tutélaire.
Il s’y cache, et bientôt, loin des coups du Chasseur,
Rassuré par l’amour, il se calme, il respire.
La Sarigue alors, pour l’instruire,
Lui dit : — Souviens-toi bien, mon fils,
Que mille maux menacent ta jeunesse,
Et que tu n’as que ma tendresse
Pour triompher de tous ces ennemis.
Prête l’oreille à mes avis ;
Le Chasseur te poursuit sans cesse ;
Ses traits cruels te perceront,
Ou ses chiens te dévoreront.
Ne fuis pas loin de moi. Si le danger te presse,
Ah ! souviens-toi que, sur mon cœur,
Tu trouveras toujours paix, repos et bonheur !

Jeune homme, écoute bien : Le fils de la Sarigue,
L’imprudent qui se perd, c’est toi,
Et sa mère, en amour prodigue,
C’est un père, un Mentor ; c’est moi.
Pour le Chasseur, lu le sais trop sans doute,
C’est ton cœur, fertile en désirs,
Qui court à la mort, quand il goûte
Le philtre enchanté des plaisirs.

Livre II, fable 1




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